Nouvelle définition de la résidence fiscale en france : quelles incidences pour les dirigeants de sociétés françaises ?

Sont considérées comme domiciliées fiscalement en France les personnes qui ont en France leur foyer ou lieu de séjour principal, celles qui y exercent une activité professionnelle principale ou celles qui y ont le centre de leurs intérêts économiques[1]. La loi de finances pour 2020 étend le critère de l’exercice de l’activité professionnelle en France aux dirigeants[2] d’entreprises ayant leur siège en France et dont le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire français excède 250 millions d’euros.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2020, un dirigeant de société française qui habite hors de France peut être considéré comme résident fiscal en France, à moins qu’il ne démontre que l’activité de dirigeant d’une société française ne constitue pas son activité professionnelle à titre principal. La qualification de résident français emporte une obligation fiscale illimitée en France. Dans ce cadre, l’ensemble des revenus ou éléments de fortune, quels que soient leur source ou lieu de situation, peuvent faire l’objet d’une imposition en France. Les impositions susceptibles d’être concernées par cette nouvelle rédaction de l’article 4 B du CGI sont l’impôt sur le revenu, l’IFI ainsi que les droits de mutation dus en cas de donation ou de succession.

En pratique, cette modification de définition de la résidence en droit français devrait être sans incidence lorsqu’une convention a été conclue entre la France et le pays de domicile, du fait de la suprématie des dispositions conventionnelles sur celles de droit interne.Néanmoins, il convient d’être attentif au fait qu’être non-résident fiscal français au sens de la convention pour les impôts sur le revenu et pour l’impôt sur la fortune ne permet pas de considérer que le dirigeant est également non-résident français au regard des droits de mutation à titre gratuit. En effet, si l’administration fiscale française considère que le domicile d’une personne est le même en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune en présence d’une convention qui ne traite que de l’impôt sur le revenu[3], il paraît peu probable qu’elle étende cette position aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu’il n’existe pas de convention sur les donations / successions. Il en résulte qu’une transmission (entre vifs ou par décès) réalisée par un dirigeant ayant sa résidence fiscale dans un pays qui a conclu avec la France une convention exclusivement en matière d’impôt sur le revenu, pourrait être imposable en France en raison de la nouvelle définition de résident fiscal français du donateur ou de cujus.

Pour illustrer le propos, imaginons M. A, directeur général d’une société dont le siège est situé à Metz réalisant environ 300 millions de chiffre d’affaires en France. Il décide de s’installer avec sa famille à Luxembourg. Au sens du droit interne français, il est considéré, depuis le 1er janvier 2020, comme résident de France du fait de sa fonction de dirigeant d’une société française réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros sur le territoire français. Au sens du droit luxembourgeois, il est également considéré comme résident fiscal luxembourgeois du fait de la détention d’un foyer d’habitation à Luxembourg. En présence d’un conflit de résidence entre la France et Luxembourg, la convention en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune conclue entre les deux Etats devrait permettre d’attribuer la résidence fiscale de M. A à Luxembourg pour les impôts visés.

En revanche, si M. A consent une donation de liquidités à son fils, lui-même résident luxembourgeois, des droits de donation seraient exigibles en France, en raison de la nouvelle définition de la résidence fiscale française applicable à M. A et de l’absence de convention fiscale entre la France et Luxembourg en matière de donation venant contrer le droit interne français.

Article 4B du Code Général des Impôts

Sont concernés les dirigeants exerçant des fonctions exécutives : le président du conseil d’administration lorsqu’il assume la direction générale de la société, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président et les membres du directoire, les gérants et les autres dirigeants ayant des fonctions analogues.

BOI-INT-DG-20-20-80 : « l’application des conventions qui ne concernent que les impôts sur le revenu est également admise afin d’éviter qu’une même personne ne soit considérée comme domiciliée en France au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune et domiciliée dans un autre État ou Territoire en ce qui concerne l’impôt sur le revenu. »